Autour du Mino­taure — Fran­çois Robert

Autour du Mino­taure

Gra­vures et pein­tures de Fran­çois Robert
Galerie Kayode

Terr’images
15, place Auberny
33310 LORMONT

Minotaure à l'arbre, François Robert, Pointe sèche

Du 22 septembre au 31 octobre, à la Galerie Kayode

Être hybride et terrifiant, progéniture d’une union dite contre nature, taureau adoré ou épouvantail politique de Minos, le Minotaure, sous ses airs bovins, interroge sans cesse sur la nature humaine, sur nos propres fantasmes et notre vision de la monstruosité. François Robert nous invite à ré-explorer le mythe et ses possibles.

Du 22 septembre au 31 octobre, à la Galerie Kayode, venez découvrir l’exposition de gravures et peintures de François Robert « Autour du Minotaure ».

 


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La sorcière — Jules Michelet

La sorcière

Jules Michelet,
Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966

La sorcière, Jules Michelet

Que sa fidélité lui coûte !… Reines, mages de la Perse, ravissante Circé ! sublime Sibylle, hélas ! qu’êtes-vous devenues ? et quelle barbare transformation !… Celle qui, du trône d’Orient, enseigna les vertus des plantes et le voyage des étoiles, celle qui, au trépied de Delphes, rayonnante du dieu de lumière, donnait ses oracles au monde à genoux, — c’est elle, mille ans après, qu’on chasse comme une bête sauvage, qu’on poursuit aux carrefours, honnie, tiraillée, lapidée, assise sur les charbons ardents!…

Le clergé n’a pas assez de bûchers, le peuple assez d’injures, l’enfant assez de pierres contre l’infortunée. Le poète (aussi enfant) lui lance une autre pierre, plus cruelle pour une femme. Il suppose, gratuitement, qu’elle était toujours laide et vieille. Au mot Sorcière, on voit les affreuses vieilles de Macbeth. Mais leurs cruels procès apprennent le contraire. Beaucoup périrent précisément parce qu’elles étaient jeunes et belles.

Magic Circle, John William Waterhouse, 1886La Sibylle prédisait le sort. Et la Sorcière le fait. C’est la grande, la vraie différence. Elle évoque, elle conjure, opère la destinée. Ce n’est pas la Cassandre antique qui voyait si bien l’avenir, le déplorait, l’attendait. Celle-ci crée cet avenir. Plus que Circé, plus que Médée, elle a en main la baguette du miracle naturel, et pour aide et sœur la Nature. Elle a déjà des traits du Prométhée moderne. En elle commence l’industrie, surtout l’industrie souveraine qui guérit, refait l’homme. Au rebours de la Sibylle, qui semblait regarder l’aurore, elle regarde le couchant ; mais justement ce couchant sombre donne, longtemps avant l’aurore (comme il arrive aux pics des Alpes), une aube anticipée du jour.

Le prêtre entrevoit bien que le péril, l’ennemie, la rivalité redoutable est dans celle qu’il fait semblant de mépriser, la prêtresse de la Nature. Des dieux anciens, elle a conçu des dieux. Auprès du Satan du passé, on voit en elle poindre un Satan de l’avenir.

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Le monde selon Monsanto — M.-M. Robin

Le monde selon Monsanto

Marie-Monique Robin,
Arte Éditions

Le monde selon Monsanto
Opération masse critique de Babelio.com

Je reviens avec mes lectures en sortant un peu des sentiers battus de la littérature pour vous faire part de la lecture d’un essai qui m’a été envoyé dans le cadre de l’opération Masse critique de Babelio.

 C’est une véritable enquête que Marie-Monique Robin mène tout au long de ce livre, un travail de journaliste-fourmi qui farfouille les archives, consulte les journaux, interroge les victimes, consulte les « experts », etc. Tout ceci aboutit sur ce livre-enquête (qui existe également sous forme de film documentaire) qui nous apporte une vision historique, socio-économique, politique et scientifique sur cette firme qui a marqué la face du monde et dont l’histoire est d’ailleurs loin d’être finie. Et le moins qu’on puisse dire c’est que Monsanto n’a pas brillé pas par les bienfaits apportés à l’humanité, quoique l’entreprise en dise sur son site internet. Depuis la dioxine (PCB) aux OGM, en passant par l’agent Orange (les défoliants balancés sur la forêt et les hommes pendant la guerre du Vietnam), le Roundup, l’hormone de croissance bovine, les « inventions » semblent se succéder et affecter toujours plus l’humanité et son environnement.

M.-M. Robin montre qu’à chacune de ses transitions industrielles ((La firme de Saint-Louis, avant de prendre le chemin des produits phytosanitaires et des biotechnologies était spécialisée dans les produits chimiques lourds : PCB, plastiques, polystyrène ; mais à ses début la firme a construit sa fortune en fournissant de la saccharine (un édulcorant synthétique) à ce qui allait devenir la plus grande marque de soda américaine et également en fabriquant des obus pour l’armée américaine)) Monsanto use des mêmes stratagèmes pour s’imposer et monopoliser le marché : procédure de tests incomplète ou falsifiée ((Il faut savoir que la plupart des commissions chargées d’autoriser la commercialisation de nouveaux produits, le font d’après un dossier d’expérimentations et de tests fourni par l’entreprise elle-même : les experts des commissions vérifient surtout si les procédures d’expérimentation respectent un certain schéma épistémologique)), lobbying auprès d’organismes clefs (comme les commissions d’agrément, les ONG, les grands laboratoires « indépendants » mais aussi la presse, les politiques), large stratégie de communication et de marketing, déni et réaction très tardive lorsque de graves problèmes environnementaux ou sanitaires surgissent, mise en dépendance de ses clients (par le jeu des brevets ou de la complémentarité de ses produits : le syndrome du Kid en quelque sorte, le gosse casse les carreaux et le père fait le vitrier, sauf que dans le cas du Kid c’est de la survie d’un foyer dans la misère dont il s’agit !).

Elle dresse donc dans ce livre un réquisitoire difficilement imaginable. Il est en effet difficilement concevable qu’une société ayant pignon sur rue et commis autant de préjudices (morts, malades, handicapés, enfants difformes, pollutions industrielles lourdes, modification d’écosystèmes irréversible par contamination, mensonges, fraudes, position abusive de monopole, et j’en passe) puisse encore exercer librement comme elle le fait. Imaginez seulement que votre médecin ou votre épicier fasse la même chose et qu’à chaque fois la justice lui dise : « Payez pour réparer !  Mais ne recommencez plus ! » et l’autorise à exercer une activité similaire (genre dentiste ou diététicien)… Ce serait impensable ! Et pourtant…

Car je trouve que derrière cette histoire tapissée d’une épaisse couche de dollars, on voudrait nous faire croire que la rédemption existe, qu’on peut se « laver » complètement de ses erreurs (qui ont tout de même conduit à des désastres sanitaires et environnementaux, à l’échelle d’un individu on appellerait cela des crimes) et trouver une meilleure voie que celle que l’on a choisi jusqu’ici. C’est vraiment l’impression que donne l’histoire de cette société : Monsanto fabrique et commercialise le PCB (alors qu’elle sait rapidement les dommages que générait cette toxine chez les êtres vivants), son image (son « karma ») se dégrade au fur et à mesure que s’accumulent les procès perdus et que les dénonciations des blow-whistlers (les lanceurs d’alerte) se font de plus en plus en plus entendre. Qu’à cela ne tienne ! on tourne la page et on change d’activité en lançant une ligne de produits phytosanitaires qu’elle dit inoffensifs pour l’homme et l’environnement (rappelez vous la pub de Rex pour le Roundup, cf. au dessus) alors qu’ils vont se révéler hautement toxiques (et pas du tout biodégradables cf. l’article de wikipédia pour un aperçu du produit). Elle recommence avec l’hormone de croissance bovine, promettant des miracles aux agriculteurs et une production de lait extraordinaire… Les cheptels meurent, des agriculteurs font faillites, le lait est quasiment impropre à la consommation (rendement nutritionnel inférieur à la normale et surtout avec des traces de cette hormone de croissance)… Et hop, on recommence en créant des Organismes Génétiquement Modifiés qui résistent au Roundup (la fameuse gamme RoundUp Ready) !

Cette société peut-elle avoir du crédit de façon illimitée ? Je veux dire : les autorités – censées nous protéger, nous citoyens – pensent-elles qu’elles peuvent être encore crédibles en « blanchissant » des sociétés dont l’action socio-économique, éthique, écologique est une catastrophe pour la planète ? Selon les conclusions de livre, oui sans doute, hélas.

Car au-delà de l’histoire d’une entreprise, c’est une histoire du libéralisme qui se dessine dans ces pages. Ce même libéralisme qui, à l’origine, réclamait, « la primauté des principes de liberté et de responsabilité individuelles sur le pouvoir du souverain« . De nos jours le libéralisme prône toujours la liberté (mais quelle liberté !!! celle de créer des produits rentables sans en estimer les conséquences ? celle d’être entièrement lié au bon vouloir d’une entreprise pour semer les céréales qui nourriront le peuple ?) mais semble complètement avoir oublié le terme de responsabilité (comment une société constituée d’anonymes actionnaire pourrait-elle se sentir individuellement responsable ? Pourquoi se sentir responsable quand on mis en place une cellule de gestion des risques qui estime que les profits sont supérieurs aux pertes même si le produit s’avérait néfaste ?). Ce livre pose beaucoup de questions en fait sur le devenir de notre société, sur la transformation de la notion de progrès (oui les technologies, fussent-elles nouvelles, n’engendrent pas systématiquement un progrès pour l’humanité), sur notre système de protection vitale (oui nous pourrions très bien créer les moyens de nous détruire en dehors de l’arsenal nucléaire)…

Pour finir, à la manière d’une sentence taoïste, je dirais que celui qui maîtrise un grain de blé maîtrise le monde et que c’est à nous, citoyens, de veiller en permanence à ce qu’aucune mainmise ne puisse être possible sur cette graine de vie.

Ce livre est indispensable pour comprendre les enjeux biotechnologiques mais aussi ceux du libéralisme. Un livre également pour ne pas dire qu’on ne savait pas !

A noter qu’en plus du livre il existe un DVD (déjà diffusé sur Arte) et que l’action menée par M.-M. Robin a donné naissance à un rassemblement citoyens en lutte contre l’entreprise (Combat Monsanto) qui notamment informe de l’avancée des débats, lois et autres actualités sur les biotechnologies.

Je fais de ce livre et de ce DVD des objets voyageurs, pour cela contactez-moi.

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Dieux des maux, d’émois et démons

Théo rit. Son thé est cause d’euphorie :
« Saté au riz ce que le thé est au logis »
Sa théorie : un théorème qui portait haut
La clarté odorante d’un été aux bougies.
Très haut ? ma non trop haut !

Son théorème hérité démodait dieu,
Son thé aurait mérité des mots, des dieux.

Théo voulait dicter aux météores
De s’arrêter aux mois en or :
Messidor, Thermidor, Fructidor ;
Car mieux vaut l’été au nord,
Où la potée ose quand Théo dort.

« Et pis t’as la météo » tonne son nid vert :
Vendémiaire, Brumaire, Frimaire ;
Epithalame : été, automne, son hiver,
Quand Prométhée odieux s’enfermait aux enfers,
Qu’en promet Théo au dieu : sang, fer, métaux, zinc, fer…

C’est couru : mais Théo est versé dans l’athéologie
Sa théorie : ce que la théologie
A ôté aux athées, les athées le rendent aux dieux
En étant des rangs d’hôtes très odieux

Sur ces mots atterrés, Théo dit « c’est assez ».
Et, son thé bu, Théo file chez le gantier. ((Retour Oulipien après une longue pause bloguesque, je vous fais part ici d’un petit poème labyrinthique (ma première production pour Fanes de Carottes en fait) : quand les syllabes sont des couloirs, les mots se perdent dedans, à l’infini et avec un plaisir non dissimulé. ))

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Bercails — Antilipogramme

Le sablier sasse, ressasse, las, le sable.
Caresse le calcaire la silice criblée.
La craie crisse — cri crécelle.

Là, l’escarbille blesse le livre ;
Ici la braise, à bribes acérées,
Scelle l’arc lisible à l’irréelle caresse.

Réécrire le barbare livre :
Ce lacis relié, ce liseré barbelé,
Ce sale air à l’éclisse cassée.

Icare se blesse car l’aile se rebelle
S’abrase. Si crasse le ciel,
Si libre, si âcre la cire.

Le siècle rit : le sacre a brisé Babel.
Le babil illisible a cerclé sa bible,
Cette librairie arable. A sarclé le cri.

L’arbre carié, lacéré, brasillé
— Ici ce râle acacia, là ce lilas ras –
Relie le brasier à l’irascible scie

Abri, isba, bras, ces bercails, ce relais
Berce ces cils, ces ressacs,
Cille ces lacs, ce sel, cette clé irisée :
Ce livre.

Le sablier sasse, ressasse, las…
« Le sable bêle ». ((Toute règle est faite pour être détournée (lire l’article sur l’antilipogramme). Et c’est bien là un principe de l’OuLiPo : Perec contourne certaine règle pour ses créations, ainsi dans les Revenentes il se joue de l’orthographe qu’il égratigne sans complexe pour les besoins de sa contrainte. Ainsi certaines voyelles : « le digramme « qu » est remplacé par « q » (« l’évèqe d’Exeter »). L’auteur joue sur l’homophonie, en utilisant par exemple le digramme anglais « ee » pour le son « i » (« négleegément ») ou le w pour le son « ou » (« Ce qe t’es schwette »). Perec puise également dans le vocabulaire étranger, notamment anglais (« twelve » pour douze). » (Wikipedia)
Ces détournements participent d’une étrangeté du texte et il faut parfois relire une phrase pour bien la comprendre.
Dans Bercails, antilipogramme de 8 lettres (B-E-R-C-A-I-L-S) créé une fois encore pour Fanes de Carottes, je voulais parler du livre. Du livre en tant qu’abri, demeure où l’on se réfugie, comme bercail. Voilà cependant, livre a une lettre que ne m’autorisait pas la contrainte : le V. Qu’à cela ne tienne j’ai biffé la lettre, si bien qu’étant absente la lettre n’en est que plus présente, comme une scorie parsemant le texte. Et ça tombait bien car il est question de brasier…))

 

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