Nuages (I) — J.-L. Borges

Tempête sur les côtes de Belle-Ile, Théodore Gudin (1802-1880)

Pas une chose au monde qui ne soit
Nuage. Nuages, les cathédrales,
pierre imposante et bibliques verrières,
qu’aplanira le temps. Nuage l’Odyssée,
mouvante, comme la mer, neuve
toujours quand nous l’ouvrons. Le reflet
de ta face est un autre, déjà, dans le miroir
et le jour, un labyrinthe impalpable.
Nous sommes ceux qui partent. Le nuage
nombreux qui s’efface au couchant
est notre nuage. Telle rose
en devient une autre, indéfiniment.
Tu es nuage, tu es mer, tu es oubli.
Tu es aussi ce que tu as perdu.

Nuages (I), Jorge Luis Borges, Les Conjurés,
traduction par Claude Esteban,
dans Œuvres complètes, op. cit., p. 941.

Poème que j’ai découvert dans la toujours excellente anthologie permanente de la poésie, j’ai nommé Poezibao.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.